25 oct. 2003

Bon sang j'ai un soudain besoin de communiquer. Un vide là ce matin, flagrant.
Hier après une soirée mémorable dans une famille non moins mémorable où l'on dirait que les relations sont à la fois vides et à la fois pleines de quelque chose que je ne comprends pas, que je ne suis pas en mesure de comprendre. Presque il y a trois générations en deux, et j'ai tout mélangé, demandant si le beau-frère n'était pas l'oncle par hasard.
Hier après une soirée mémorable, donc, les p'tits gars du DEA rentrent chez moi dormir pour des raisons x ou y. Mémorable petite troupe aussi, une troupe de looser convaincus, un petit bonheur qui rigole. 3h30 du matin, fous-rire, et la proposition de commencer une belotte pour finir la nuit. Belotte en effet, ambiance de loques, belotte mémorable.

Et après tout ça, j'ai l'impression d'avoir eu une hallucination tout simplement. Toute la soirée d'hier, rien que des impressions diffuses dans mon cerveau fatigué. Ce matin il ne reste rien. Ils sont partis avant que je sois levée. Partis. Ils m'ont abandonnée. Impossible de supporter cette solitude après une telle soirée, une telle soirée ? Etait-elle réelle ? Que me reste-t-il ?
Ah, oui. Il reste que j'ai oublié mon sac là-bas. Avec dedans évidemment porte-feuille, carte bleue, téléphone. C'est la seule preuve tangible, avec le petit mot de remerciement de ce matin, que j'ai vraiment été quelque part hier. Preuve tangible et plutôt déplaisante.

Sur ces entrefaites je démarre donc ma vie virtuelle. Devant un écran, qui de plus en plus me donne envie de vomir. La démotivation dans les plis et dans les replis. Une offre de CDD en acoustique ? Se battre pour faire ça ? La possibilité de faire une thèse chez EDF à Clamart ? Mais que me veulent-ils dont tous les acousticiens tout à coup ? J'ai l'impression que je préfèrerais peut-être, encore, ne pas avoir de possibilités, pour ne pas avoir à choisir. Je ne veux plus rien choisir. Ce n'est pas nouveau cela dit.
La journée sera lourde m'est avis.

Ou alors non. Il fait beau et il suffit d'aller emprunter de nouvelles BD. Je veux tout balancer c'est aujourd'hui samedi.

Et l'idée du bonheur décroissant est tellement désespérante qu'elle s'auto-justifie.
Je plaide donc pour l'idée du bonheur croissant. L'amélioration de soi-même par accumulation d'expérience et de connaissance de soi. J'ai été malheureuse dans mon passé. Je peux t'assurer que je ne peux que plaider pour le bonheur croissant. Et puisque ce n'est pas réaliste, soyons sages, croyons aux cycles. Croyons que tout commence, tout existe et puis tout finit. Que les expériences croisées nous construisent petit à petit sans aucune linéarité, et que c'est à l'heure de notre mort que nous pouvons le mieux savoir ce que nous sommes, ce que nous avons été, ce que nous avons vécu. Le mieux tout oublier parce que jusqu'à la dernière seconde tout est à recommencer. Aujourd'hui est le premier jour de ma nouvelle vie. Et la vie commence n'en finit pas de commencer, de s'établir, de s'ennuyer, de se plaire, de se déplaire, de s'ennerver, de pleurer puis de se lasser et de cesser. La vie n'en finit jamais, c'est juste peut-être les gens qui préfèrent en finir avec la vie et qui abdiquent devant la télé.
Mais chacun peut continuer à souffrir et à sourire s'il en a la force et ce n'est pas le temps qui passe qui nous empêchera de vivre, qui nous empêchera d'être plus ou moins heureux. Juste les choses qui passent.
Et voilà ma plus grande impertinence dans cette théorie : l'hypothèse que l'on est forcément moins malheureux lorsqu'on se connait mieux. Hypothèse qui justifie que le temps aidant nous serons de plus en plus heureux. (du moins, peut-être, de moins en moins malheureux, de plus en plus devant la télé, mais ce n'est pas à espérer)

Ach tout ce flot de paroles non contrôlées qui tente maladroitement d'élaborer une théorie sans fondement, je trouve cela d'un pathétique. C'est mon envie de communiquer, c'est ainsi quelque fois les doigts ne sont pas gourds et ils courent sur le clavier je ne peux plus les arrêter. Je n'ai plus jamais envie que ça s'arrête un peu comme quand ça se passe bien dans un lit d'amoureux. Il n'y a plus rien à penser juste : encore un peu, pourvu que ça s'arrête jamais, parce que là on est bien, on pense à rien, on est juste bien. Le bonheur.

Sauf que pour écrire il faut penser, malheureuse ! Et que je m'enfonce, je m'enfonce, je ne sais plus quoi dire pour me relever d'un tel pathétique. Mais c'est le jeu. Post & Publish, et il faudra passer à autre chose. Un autre vide.

22 oct. 2003

Je cherche souvent l'ordre de mes soucis. Comme tous les événements, ils ont forcément une temporalité et une causalité, mais je m'étonne de souvent être incapable de décrire clairement la façon dont mes problèmes surviennent. La plupart du temps ils semblent avoir toujours été là, ce qui n'a pas de sens. D'autres fois, ils s'auto-entretiennent à la façon d'un cercle vicieux : j'ai des soucis, car j'ai des soucis, le serpent se mord la queue, ça ne tient pas debout.
Alors j'ai fini par entrevoir l'élément manquant de mon raisonnement : il n'y a là ni science fiction ni folie, mais mes soucis proviennent du futur !! Et oui, Igor, je fais partie de ceux qui réussissent à être malheureux par anticipation ! Tout à fait, Grishka, si je fais le bilan de ma vie, ce qui m'arrive hélas souvent, je me rends compte que je n'ai pas été si malheureux que cela dans le passé. Certes, tout n'a pas été pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais au final je m'en sors plutôt pas trop mal. Mon présent également tient la route. Alors pourquoi ce sentiment de vide ? Pourquoi ce manque de confiance ? Car c'est mon avenir qui est creux, c'est le moi de 2010 qui souffre, le moi de 2020 qui pleure, le moi de 2030 qui veut en finir avec uen vie absurde qui dure depuis trop longtemps. J'essaie toujours d'imaginer l'image que le moi de trente ans aura du moi de 25 ans, ce qui est absurde car aujourd'hui je n'en ai rien à faire du moi de 20 ans, je l'ai totalement oublié celui-là.
Pourtant il n'était pas si malheureux que ça.
Je m'imagine depuis tout petit que le bonheur ne peut aller que décroissant, à ma naissance j'étais le plus heureux du monde, à ma mort le plus malheureux. Comment puis-je avoir confiance en moi dans ces conditions ? Quand je pense qu'au moment où j'ai commencé à écrire ce paragraphe j'étais plus heureux que maintenant, ça me déprime.

13 oct. 2003

Mes yeux se ferment, lourds.
Mes doigts gourds s'imaginent pouvoir encore se mouvoir.
Et dans ma tête torturée encore de la poésie.

Je ne crois pas que ce soit si difficile. Je ne crois pas qu'on ait tant besoin d'avoir confiance en soi. Il n'y a pas de compétition. Personne n'est plus ou moins digne d'être aimé. Je crois que le mieux est de faire ce qu'on sait faire avec le plus de conviction possible. Le mieux est de trouver toutes les occasions dans toutes les journées qui passent pour dire : "c'est bien, c'est beau". Trouver toutes ces occasions pour ne pas se laisser bouffer par les "c'est nul, c'est moche". Et il ya tant de choses suffisamment belles que cela pourrait nous occuper toute la journée : "oh, que c'est beau !" "comme vivre est facile et merveilleux". Parce que nous avons encore l'usage de nos yeux, de nos mains, de nos 5 sens et même plus quelquefois. Parce qu'il y a du vent dans les cailloux. Avoir quelque chose à partager peut faire trouver l'amour. Avoir le regard émerveillé. Se réveiller comme un petit enfant un matin et trouver que tout est facile. Tout aussi facile que de tendre la main, de prendre une main. Facile comme un sourire. Simple. Dans le présent. Présent.

Je suis absente. Dans l'absence tout est facile également. Rien n'a d'importance. Trainer ça et là avec celui-ci ou celui-là, ne rien faire, tout est équivalent. Un grand moment d'insouciance. Le moment de toutes les bêtises, le moment de rire bêtement. Qui se brise. Qui se cogne. Contre la réalité. Contre le marché du travail. Contre les critères d'embauche. Les critères de vie. Les cercles vicieux. Contre les responsabilités qu'on ne veut pas prendre et l'avenir qui arrive. L'avenir. L'avenir me bouffe le présent. Mon présent mange l'avenir sans le préparer. Tout cru. Mon absence est indigeste lorsque je m'en rends compte.

J'ai rêvé cette nuit que l'on me torturait. J'avais beau crier au secours les gens me regardaient, moi et mon bourreau, indifférents. Me faisant payer le mépris que j'affichais précédemment à leur égard. Puis j'ai rêvé que l'on me poursuivait pour me faire du mal. Après m'être extasiée devant un bébé enfermé dans une boule à neige. Quelque chose de vivant mais pas assez. Une décoration de noël. Depuis dimanche j'ai mal partout. On me dit qu'il faut que je décompresse. Qu'il est urgent de ne rien faire. Ne rien faire que serveuse au MacDo. Et je me reproche tout. Pour ne pas craquer je fuis dans la pseudo-créativité. L'apprentissage. Mais qui suis-je ? Cette fuite me définit, il me faudrait l'apprivoiser. Comme il faudrait s'approprier tous ces mots un à un sortis de moi dans le désordre.

Moi dans le désordre.