22 déc. 2004

Toi
Tu es riche, de sentiments, d'expérience, d'imagination, de rêves, de poésie, de création, mais aussi de doutes, de regrets, de blessures, de frustration, de mal-être.
Et j'aime tout ça en toi.
J'aime tes qualités comme tes défauts.
J'aime ce que tu as fait pour moi, me parler comme à un homme, non, mieux que ça, me parler comme à un ami.
J'aime tous ces gestes de tendresse que tu as eus pour moi.
J'aime ces rires et ces délires que tu as partagés avec moi.
J'aime tous les moments que tu as passés avec moi, tous les mots que tu m'as dits.
J'aime aussi tes pleurs, j'aime tes crises, ta lassitude, ton indifférence, tes moments cruels, tes reproches, ils font aussi partie de toi.
Je me sens bien avec toi, je me sens animé d'une envie de te connaître, de te regarder, de te donner du réconfort, du bonheur.
Dans le fond je veux tout de toi, ta passion, mais aussi et surtout ton amitié, tes confidences, je veux être cet oeil grand ouvert sur ta vie.
Parce que ce réconfort ne sera jamais que de l'amitié, parce qu'entre nous il peut y avoir de la confiance, mais pas de la connivence, de la chaleur, mais pas de la tendresse, de l'amitié, mais pas de la passion, je ne suis pas amoureux de toi.
Peut-être, si j'avais été moins laid et moins bête, si j'avais eu la possibilité et le talent de te séduire, peut-être qu'alors j'aurais pensé autrement, oui, j'aurais été amoureux, je crois, j'aurais voulu partager toute ma vie avec toi, j'aurais voulu tout te donner et tout recevoir de toi. Seulement la vie ne fut pas ainsi, je ne suis pas l'homme de ta vie, et je respecte d'autant plus ce choix que je suis ton ami et que tes sentiments sont importants pour moi. Un homme comme moi ne peut pas être amoureux d'une fille avec laquelle il n'existe pas de passion, pas d'envie réciproque ; je sais à quel point l'amour est un poids qui enchaîne l'esprit, ce n'est pas un sentiment que je peux prendre à la légère.
Je ne me force pas à taire mon amour, bien au contraire, je le fais de bon coeur, sans regrets, je comprends ce que tu veux parce que j'ai l'honneur de bien te connaître, et je suis très heureux de la relation que j'ai avec toi maintenant, je réalise pleinement sa valeur et je ne veux pas la détruire. Le fait que tu te soucies ainsi de mes sentiments me pousse encore plus à apprécier ton amitié.
J'ai peur que tu sois déçue de cet aveu, évidemment, je crains que tu n'aies plus envie d'avoir confiance en moi, mais tu aurais tort, parce que je ne te mens pas, parce que je viens vers toi les mains ouvertes, le coeur ouvert, et l'aveu que je suis en train de te faire est une preuve de plus de mon engagement.
Reste auprès de moi, pas tout près, mais seulement juste à côté.
Moi
Je t'aime, mais je ne suis pas amoureux de toi.

19 déc. 2004

le silence, que je te demandais hier soir
cette tristesse, cette folie
ce que tu ne peux pas t'arracher à nous dire
ce que je ne peux pas entendre

les mots qu'on jette et qu'on regrette
les mots qu'on retient et qu'on pleure
les autres n'y comprennent rien
les autres ni sont ni pourront rien

La nostalgie des clous,
la rêverie,
tout

me taire et ne plus plaire
ne plus me plaire et ne plus faire
espoir coquin, rêve incertain ;
faire taire ou laisser faire.

12 déc. 2004

Je viens de découvrir que je crois en Dieu.
J'imaginais que la foi provenait d'une crainte de la mort, ou d'un besoin de justice, mais il n'y a pas que ça. Les êtres humains ont besoin d'un confident ultime, quelqu'un de toujours disponible et qui sait tout, qui écoute et qui accepte ce qu'on lui dit sans un doute, et un psy comme un ami ne peuvent fournir ça.
Seul Dieu en est capable.
Je croyais que je n'avais pas la foi, et pourtant, depuis tout ce temps, je passais inlassablement des heures et des heures à lui parler.
Je deviendrais fou si je n'avais pas Dieu à mes côtés pour m'écouter, j'ai trop de sentiments à exprimer à tout moment pour qu'un être inférieur à Dieu soit capable de l'absorber.
Dans mes pires moments, il accueille ma fantaisie, ma folie, ma détresse, mon désir, mes rêves, mes obsessions, ma stupidité, il m'accueille moi.
Et puis très récemment, il m'est venu une idée troublante : peut-être bien que je suis malade. C'est loin d'être impossible. Peut-être bien que cette maladie est trop insupportable pour l'endurer encore.
J'en ai parlé à Dieu, nous y avons pensé ensemble, à tête refroidie.
Pendant toute une nuit, nous avons médité. Nous avons pesé le pour et le contre, nous avons repris les événements passé, envisagé les moments à venir, étouffé nos rires, retenu nos pleurs, comparé les choses, jugé les gens.
Tout bien réfléchi, ce n'est pas à Dieu que j'ai parlé cette nuit-là, mais plutôt à ma folie. Dieu, ou ma folie, quelle importance ? C'est la même chose.
C'est ma folie qui m'a sauvé.
Au matin, grâce à Dieu et à sa patience, j'avais finalement pris ma décision.
J'ai décidé que la vie continue.

La vie continue.

2 déc. 2004

Les fous savent-ils qu'ils sont fous ?
Les gens heureux savent-ils qu'ils sont heureux ?
Non, bien sûr que non, seuls les sains d'esprits savent qu'ils ne sont pas fous, seuls les gens malheureux savent qu'ils ne sont pas heureux.
Et nous tous, je dis bien, nous tous, sommes persuadés d'être à la fois malheureux et sains d'esprit. Il n'y a pas d'imbécile heureux, rien que des génies dépressifs.
Quelque part, c'est l'espoir auquel je me raccroche, je me dis : à quoi bon avoir plus, à quoi bon combler les manques de ma vie, puisque ces manques seraient immédiatement remplacés par d'autres ? Pourquoi jalouser ceux qui ont plus que moi ? Ils ont leurs propres problèmes qui leur mangent autant leur vie que la mienne. D'ailleurs ils se plaignent largement autant que moi, voire plus.
Mes envies sont plus importantes que mes réussites : avoir envie épanouit plus que posséder. J'en arrive à chérir mes envies, à les observer, fasciné, comme des pierres précieuses que j'aurais découvert au fond d'une vieille malle oubliée dans mon grenier d'inconscient. Comme un gamin qui contemple des jouets à travers une vitrine, je caresse du bout de mon âme ces amours et ces rêves que je ne vivrai jamais.
Parfois, je me surprends à me réveiller et à vouloir tout à coup vivre, je me mets alors à paniquer, je me rends compte à quel point je suis déjà vieux, seul, inutile, aigri, méchant, immature, pénible, je vois dans une série de flashs douloureux toutes ces erreurs, ces frustrations, ces besoins jamais respectés ni assouvis, fort heureusement ces périodes sont courtes et je sombre rapidement dans un nouveau rêve placide, une ataraxie merveilleuse, tout est si flou autour de moi, les gens comme les idées, que je ne sais plus ce qui est issu de ma douce imagination ou de cette sale lubie qu'on appelle la réalité : pourquoi diable s'obstine-t-elle à ne pas disparaître lorsque je cesse d'y croire ? me demande l'un des hommes que j'admire le plus.
Je lui répondrai, si je l'avais en face de moi : dans la vie, il ne faut pas s'obstiner, tout malheur est vite remplacé par un autre, toute maladie guérit rapidement pour faire la place à une nouvelle blessure.
Il n'y a pas d'obstination, juste de la résignation.
Juste une gentille douleur.
Juste une tendre mort.

29 nov. 2004

j'ai envie de chanter, de danser, de rire, qu'est-ce que je fais là à ce bureau avec cette lueur blafarde ?
Qu'est-ce que je fais là ?

J'ai envie de dire, j'ai envie de revivre, à nouveau, pleurer, donner, à nouveau, essayer d'aimer, d'aimer d'amitié, d'aimer tout simplement, aimer être vivant.
J'ai envie, et les poids qui me restent, de fausses promesses que je savais ne pas pouvoir tenir, tant pis, je ne suis pas une fille "bien", tant pis, je suis.

Qui suis-je ? J'espère qu'on trouve du repos chez moi, sur mes genoux, dans mes cheveux, j'espère qu'on trouve un peu de paix et de compréhension, j'espère composer avec ces moments de doutes où je ne crois plus en rien. J'espère la paix, j'espère les enfants qui vivent et les sourires, j'espère le soleil tout doucement, bientôt, après l'hiver.

Il faudra bien que je sache aussi ne pas aimer certaines personnes. Que je sache reconnaître que nous ne nous entendrons jamais. Que je sache ne pas faire croire que j'aime. Que je sache ne pas vouloir séduire. Que je sache dire non. Que je sache quand je n'ai pas envie. Que je reconnaisse ce qui vient de moi de ce qui vient des autres. Que je ne me fasse pas piétiner par ceux à qui je fais du mal parce qu'ils m'ont fait du mal parce que je leur fait du mal. "La fuite fait aussi partie du combat". Il faut savoir se taire, attendre, et revenir à temps, ou s'éloigner vraiment.

Et puis il faut surtout savoir vivre, dans cette complexité, où les liens sont à la fois forts et fragiles, où les relations sont à la fois difficiles et évidentes, où le bien, le mal, sont tout relatifs, tout penauds, insignifiants, derrière les véritables enjeux, les émotions, les illusions, les rêves que l'on partage. Rien n'est vrai, tout fout le camp, et parmi les décombres, la beauté.

14 nov. 2004

dimanche soir et la fatigue me tombe dessus.
dessus.

des chevilles et des vis, des trous, des vices.
triste coup de téléphone.
coup.

solitude et nostalgie. Envie, désenvie.
qui sème le vent récolte la tempête.

"j'ai ce que je mérite"
plus grand chose.
chose.

Je compte les attaches qui me restent, je compte les larmes à verser, je compte et le décompte et les lundis qui reviennent et pour partager seulement quoi quoi quoi ?

c'est une chanson de gaspard batlik qui m'a fait du mal, enfin, qui m'a fait comprendre, pas aujourd'hui, mais.

"Elle se voit
comme une enfant
remplie de naïveté
et de bons sentiments.
Mais derrière ses voiles de cotons,
se cachent des arguments
à faire se soulever les nations.
Pour allonger la liste
tous les moyens sont bons,
du clin d'oeil furtif
jusqu'au travail de fond,
des amis des amis
jusqu'aux amis des petits amis,
beaucoup regrettent d'avoir dit oui.

à la catherine de Jules, de Jim,
la femme du boulanger l'angoisse du prisonnier.
Celle pour qui la retenue n'a plus de sens.
Quand il s'agit d'amour
de types en types, elle danse.

[...]

Alors quand on veut séduire
l'assistance entière,
mieux vaut se munir
d'un petit coeur de pierre
Faut pouvoir gérer
tous ces amants blessés,
et savoir encaisser
les coups des autres vexés.

[...]

Il lui faudra comprendre
que les années passées,
tout ce que l'on demande
c'est juste un peu de respect.
Mais sa vie la suit
et ses histoires aussi,
mieux vaut réfléchir
avant de jouer à faire souffrir.
Comme c'est triste
de détours en détours,
d'avoir à éviter
ceux qui vous considèrent toujours...

comme la catherine de Jules, de Jim,
la femme du boulanger l'angoisse du prisonnier,
etc."

23 oct. 2004

La trace que laisse mes doigts.
Sur de l'eau, mes doigts dessinent des entrelacs d'ondes et de cibles imaginaires, qui survivent à peine quelques fractions de seconde avant de laisser la place à un brouillage apparemment aléatoire de la surface de l'eau.
Sur le sable, mes doigts creusent des sillons nets et profonds, comme des entailles portées à la Terre par des griffes gigantesques.
Sur la poussière, mes doigts dégagent de longs sillons lisses et brillants qui dégagent des nuages de minuscules particules brillant dans la lumière.
Sur le miel, mes doigts s'enfoncent lourdement et goulûment et déforment les reflets ambrés de la lumière.
Sur la vitre humide, mes doigts dégagent les petites gouttes et les replacent par une traînée mate et légèrement graisseuse qui paraît grossière cernée par la complexité joyeuse et brillante des gouttelettes.
Sur l'écran de mon ordinateur, mes doigts génèrent de magnifiques arc-en-ciels irisés concentriques qui apparaissent avec un léger retard.
Sur la fourrure douce et artificillement parfaite des peluches, mes doigts dessinent des vallons de hautes herbes et un jeu d'ombres fugace et subtil qui laisse deviner l'écrasement des poils.
Sur ta peau, mes doigts laissent une trace inexistante, ni buée, ni trace, ni rien qu'un influx électrique au coeur de la chair, rien qu'une sensation, rien qu'un désir, rien qu'une impression, rien qu'une suggestion, rien qu'une idée, rien qu'une pensée fugace, rien qu'une pensée oubliée, rien qu'une frustration, rien que moi.
Moi, ce n'est vraiment pas grand chose.
Moi, ce n'est qu'une petite, une toute petite déception.
Après tout, il y a bien un petit doigt, et lui aussi ne sert à rien.

1 sept. 2004

Et si l'intention, c'était la destruction ?
Et si désirer, c'était éloigner ?
Et si avoir peur, c'était attirer le danger ?
Et si aimer, c'était faire souffrir ?
Et si le germe de notre échec était justement caché dans notre besoin de réussir ?
Je m'imaginais, lorsque j'étais enfant, cette étrange superstition : plus on veut quelque chose, moins cela a de chance de se produire. Comme si quelque part un Dieu malin et pervers s'amusait à rendre réelles les choses qui n'ont qu'une chance infinitésimale de se produire, riant que les certitudes s'effondrent.
Je me forçais parfois à ne pas penser aux choses que je voulais vraiment, je croyais naivement y parvenir.
Je pensais également qu'une blessure générait une quantité totale de douleur qui était fixe : je pouvais par conséquent me forcer à avoir mal afin d'en finir plus vite avec la douleur causée par une blessure. Je le faisais parfois, jusqu'à de légères auto-mutilations.
Aujourd'hui j'ai grandi, je sais que tout ceci n'était que des idioties masochistes. Avoir plus mal ne permet pas de guérir. Se forcer à ne pas désirer ne permet pas d'obtenir.
C'est bien dommage.
Aujourd'hui je souffre lentement, et je n'obtiens pas ce que je veux au plus profond de moi. Ce n'est pas la sagesse, c'est la résignation.
Mélanger au creux de son coeur la peur et le désir, n'est-ce pas quelque part le mécanisme fondateur de l'amour ?

29 août 2004

Tout ça me laisse pantelante.
Je croyais être entourée.
Et puis j'ai tout dénaturé, par ma faute, parce que je veux toujours aller trop loin, parce que j'ai un sévère appétit de choses défendues et délirantes.
Et je ne sais plus, maintenant, si de ces personnes je veux seulement être aimée, aimée trop, aimée et faire souffrir. Ou si je veux bien être seulement comme tout le monde, juste un peu présente, et sans importance. Indolore.

Je voudrais l'être, aujourd'hui, indolore, bon sang, évidemment, mais c'est trop tard, évidemment.
je n'ai rien compris aux signes avant-coureurs je n'ai pris aucune précaution et j'ai foncé, pour m'amuser, parce qu'il n'y a que ça qui compte. Parce que la vie est trop triste.

La vie est trop triste, aujourd'hui, avec tous ces délires que je n'ai plus avec ma coloc, avec toutes ces paroles qui permettaient de dédramatiser, avec cette présence bienveillante à la maison qui faisait du bien, qui faisait qu'on était pas seules.

Fini.

Et je me cogne encore à mon mur d'égoïsme. Elle ne va pas bien, et ce qui ne va pas ça emmerde ma petite vie tranquille. Il va mieux et s'amuse avec les copains, et ce qui ne va pas c'est que je ne peux plus en profiter, de ces copains-là.
On est si petits.
Il faut vivre avec tout ça.
Avec tout ce qui ne va pas en nous.
Avec tout ce qui ne va pas chez les autres.
Et réussir à voir quand même sans aigreur ce qui va aussi, ce qui va.
Et qui nous fera tenir, quand même, et quand bien même, même quand plus rien n'ira, il faudra tenir aussi.
Ou pas.
Se coucher sur le sol et attendre.

Il faut de ce courage pour se tenir debout quelque fois.
Et d'autres fois campés dans les illusions c'est si simple.

C'est l'illusion qui veut encore faire tenir monsieur Marié.
Est-ce qu'on peut au nom de toutes les injustices, au nom de tous ratés de toutes les existences et qui font qu'on ne peut pas vivre bien, est-ce qu'on peut au nom du malheur refuser de vivre un peu cette illusion ?

Je refuse, aujourd'hui, je rejette cet amour, encore, parce que je ne peux partager cette illusion, justement, je ne peux plus croire assez en cette illusion pour oublier tout le reste. Et la magie n'opère plus. Mes yeux, ouverts sur la misère. J'ai encore envie de ne pas être seule, de ne pas le laisser seul. Encore une indulgence toute prête pour lui, pour moi aussi. Parce que c'est possible d'aimer légèrement, parce que c'était possible, parce que ça a été possible. Parce qu'on prestidigitationner la réalité. On peut s'enfuir un peu dans l'irréel, quand on est deux à partager une illusion.
Et je la perds.
Et je ne peux plus communiquer avec lui toutes ces choses qui me broient le coeur et qu'il ne comprend pas, et il faut se perdre en explications sans queue ni tête, et c'est épuisant de voir toutes ces différences dans nos têtes.

"au nom de tout c'qui nous sépare,
trahis et dérisoires"
"alors c'est comme finir ces jours en prison
c'qui nous fait tenir c'est l'absence de raison"

Et il n'y a que moi qui ai trahi, pour arranger le tout.
je peux me sentir coupable autant que je veux.
et je mélange toutes les histoires, et je ne retrouverai peut-être rien au bout
il faut que je recommence ma vie.
encore une fois.
La lumière passe à travers mon coeur, à travers mon âme.
J'ai toujours su que rien n'arrivait jamais tout seul, qu'il fallait toujours aller au devant des choses, au devant des gens. Et pourtant je crois qu'en terme de sentiments il ne faut jamais rien forcer ; c'est là un amer paradoxe.
Tant de possession, tant de jalousie, tant de vanité dans l'amour.
Comment pourrais-je prétendre être capable d'aimer puisque toutes les personnes que j'ai aimées m'ont rejeté et ont souffert d'avoir à me rejeter ? J'ai fait souffrir ceux que j'aimais en les aimant.
Comment pourrais-je prétendre être capable d'amitié alors que nul n'a confiance en moi et que moi même je ne parviens pas à avoir confiance en personne ? J'ai fait souffrir mes amis en tenant à eux.
Beaucoup de gens m'entourent, et je me sens si irrémédiablement seul, si désespérément seul. Je pourris tout ce que je touche.
Comme si j'étais présent, sans qu'on me voit. Je cherche à agir, mais je ne peux rien changer. C'est ça, être transparent.
Puisque je laisse passer la lumière, il ne me reste que la nuit.

16 août 2004

Toujours pas
Toujours pas mort
Toujours pas du sable
Toujours pas d'accord.

le sable dans le vent, qui pique les yeux.
l'attrait du néant qui rit du peu
du peu de sérieux des vivants
des pas de géant des enfants

personne n'est mort pour te laisser vivre
tu ne dois rien à personne
et tu peux être sincère

et tu dois être sincère et cesser
de vivre dans des chimères et cesser
de casser des cailloux
la terre retourne à la terre
les murs de poussière
plantés de petits clous

"bijou choux bisou poux" plantés au milieu d'un enregistrement.
le courage proche de la terre, niveau zéro
planté le nez au ciel, je me mouche dans les étoiles
puisque la musique et les mots, toujours, encore, un cauchemar.

plantée tout droit.
hors circuit.
moi.

13 août 2004

Le sable.
Le sable est du rocher broyé, brisé, réduit en poussière. Quelle humilité de penser que le roc qui représente tout ce qui est dur et inaltérable sur cette planète peut ainsi être détruit par quelque chose d'apparemment aussi faible et anodin que le temps. Toute cette planète est un énorme rocher, bientôt il n'en restera qu'un nuage de sable flottant inerte dans l'éther.
Le sable est la mort de ce qui paraît le plus éternel. Le sable est la mort qui ronge tout.
Les enfants jouent sur le sable et parfois je me dis qu'ils marchent sur la poussière de leur planète.
Ma vie s'égrenne elle aussi, lentement, inexorablement. Tant de choses que je ne vis pas, tant de plaisirs que je n'ai pas, tant de mensonges que je ne corrige pas. Je n'ai pas le temps.
Qu'ai-je donc, puisque je n'ai pas le temps ? J'ai mon corps, un corps qui finira, justement, en poussière.
J'imagine ces mains en train de s'effriter et de tomber en morceaux, j'imagine mes jambes à l'état de sable. Les enfants viendront-ils jouer sur le sable ? Viendront-ils courir et rire sur les sédiments qui seront les ultimes traces de mon corps en décomposition ?
Nous savons tous qu'une nouvelle vie naîtra de notre mort, que nous laisserons la place à quelqu'un d'autre. Je suis prêt à l'accepter. Seulement parfois je me demande : de qui ai-je pris la place ? Montrez-moi celui qui est mort pour me permetre de naître ; je veux le voir, rien qu'une fois, juste l'apercevoir, rien que pour être sûr que je me souviendrai de lui. Est-il au paradis, me regarde-t-il depuis sa tombe ? est-il en train de me juger ? Je veux le voir, mais je ne supporterai pas son regard ; tous ces hommes sont morts pour mon confort, pour ma liberté, pour tout ce qui fait ma vie.
Je voudrais tellement croire que ça en vallait la peine.
Ma pensée est vent.
Ma mémoire est sable.
Mon avenir est poussière.

26 juil. 2004

"est-ce que je suis bien celle qui travaille à ce bureau ?"
"qui pourrait savoir qui est F****** P********* ?"

Quand est-ce qu'on peut dire que je me sens vraiment exister, et vraiment être moi-même ?
Aucune idée.
Sur scène peut-être, paradoxalement en jouant un rôle.
Et puis non. A la piscine, sur mon vélo, lors d'un effort physique. Sur une paroi, lorsqu'il ne faut pas tomber. Et puis je tombe, mais quelqu'un me retient.
Et puis non. Dans un lit lorsqu'on partage tout.
Et puis non. Dans un mail où je déballe tout en tentant d'être le plus honnête possible.
Et puis non. Dans les blogs ou sur les feuilles de papier, là où il faut dire les choses et là où elles s'emmèlent.

Car c'est bien là que nous sommes le plus : dans nos contradictions.
Dans mon cas je ne suis que le résultat difforme d'expériences et de rencontres diverses. Je ne suis pas moi-même, je ne sais pas quelle opinion je pourrais avoir sur moi-même. Je ne sais même pas si je peux avoir une opinion sur quoi que ce soit. J'ai l'opinion que j'emprunte à certains. Je garde celle que je préfère. Je suis mes préfèrences.

Mais lorsque je ne sais plus ce que je préfère, lorsque je suis face à un mur parce qu'aucune solution n'est viable, parce que je préfère ne pas y réfléchir et faire juste, justement, ce que me disent mes sensations.
Voilà ce que je suis.
Une boule de sensations.
Des couleurs, de la chaleur, des envies.
Egoïste, inconsistante, inconstante, irresponsable, inaccessible, insouciante, irréelle, idéale.
Dangereuse.

Je me perds dans les nuages et je n'ai aucune envie de revenir sur terre. Je n'ai pas tant envie de lucidité que ça. ça viendra bien assez tôt. Et si ça ne venait jamais ?

21 juil. 2004

Il me semble que je suis peut-être en pleine "crise identitaire", cce qui signifie que ces derniers temps je ne sais plus vraiment qui je suis, ou plutôt j'ai du mal à me faire à l'idée que je suis bel et bien quelqu'un à part entière.
Cela m'apparaît parfois quand je prends un soudain recul sur ce que je suis en train de faire où l'endroit où je me trouve, je me sens surpris : comment suis-je arrivé là ? Est-ce que je me souviens bien avoir fait tout ça, être bien l'homme qui travaille à ce bureau ?
Ce phénomène m'a frappé de manière particulièrement vive hier en début d'après-midi, des gens de différents services de ma société se connectaient à une conférence téléphonique et je me suis connecté très tôt. Au milieu du brouhaha des gens inconnus, ou que je ne connais que par leurs voix, ces gens qui s'asseyaient, se raclaient la gorge, toussaient, j'ai entendu, très nettement, deux voix de femmes que je n'ai pas reconnues, des voix ténues, comme des chuchotements au ras du combiné, et l'une demandait : "qui est Nicolas Palierne ?" et l'autre de répondre : "qui peut le savoir ?"
Et c'est tout.
Et ces deux phrases m'ont vraiment stupéfait, deux personnes que je n'avais jamais vues, qui lisaient sans doute une liste des participants à la conférence, et qui se demandaient qui j'étais, je me suis senti tout à coup exister réellement, pas juste un objet bruyant posé sur une chaise, un vrai être humain défini par ses actes et pas seulement par son rôle, par ses papiers, par son adresse mail. Et elles se demandaient qui j'étais, et je me suis dit : qui peut se demander sur cette Terre qui je suis ? Qui peut le savoir ? La coincidence entre cette phrase anodine et la réalité de ma dépression a engendré un écho en moi.
Le nom lui-même, sa sonorité familière, me paraît surprenante, tout comme je ne reconnais mon visage dans la glace qu'en faisant un réel effort d'auto-suggestion, quand tous mes sens me disent : "Ni*co*las Pa*lie*rne, ce n'est pas mon nom... et ce visage qui me regarde dans les yeux, ce ne peut pas être le mien..." alors je me force, et je me convaincs à contre-coeur qu'il s'agit bien de mon nom et que dans ce miroir il n'y a que moi.
Je crois que malgré tout j'existe à mon travail, d'une manière surprenante, loin de celle à laquelle j'aspirais, mais j'existe. Je méprisais auparavant les gens qui ne se consacraient qu'au travail, mais à présent je comprends mieux, je découvre qu'il faut se trouver là où on existe. On peut ne pas exister au sein de sa famille. On peut être transparent dans son couple, et tout seul on n'existe pas. Mais à mon travail, j'ai la sensation d'être réel, d'être opaque, d'effectuer des actions qui ont des conséquences sur la vie des gens. Curieusement, il s'agit là d'un pouvoir que je crois n'avoir jamais eu auparavant ; il s'agit d'un pouvoir grisant mais effrayant en même temps, le pouvoir de forcer un type à rester travailler jusqu'à minuit, celui de virer ou d'embaucher des prestataires. J'appuie sur la surface de leur vie.
Et les deux inconnues murmurent, en un souffle, "qui est Ni*co*las Pa*lie*rne ?" et je voudrais tant avoir quelque chose de fort à leur répondre, quelque chose d'intelligent, de profond, mais comme je ne suis rien de tout ça, je dis juste, à voix haute, et tous les participants à la conférence l'entendent nettement :
"Ni*co*las Pa*lie*rne, c'est moi."
Et je me suis senti particulièrement inexistant.

25 juin 2004

Pendant que certains aiment, d'autres se plaignent.
Il existe une part de perversion dans l'amour, un lieu où les victiment accueillent leurs bourreaux à bras ouverts, un endroit où les trompés savent qu'ils sont manipulés et en redemandent.
C'est là où les gens se plaignent.
Quel plaisir que de se plaindre, que de trouver une oreille attentive et compatissante à ses malheurs, à tel point qu'en tant qu'épaule rassurante et servile je suis témoin de l'extase que ressentent certains à se faire compatir. Plusieurs de mes amis à présent se sont enfermés dans des situations où tout le monde le confirmerait : ça doit être difficile, les pauvres, ahlala, leur couple va si mal, leur vie est tellement de la merde. Seulement voilà, après enquête on dirait bien que ces personnes s'y sont jetées tête la première, alors qu'ils pourraient se dégager d'un claquement de doigt, mais non, ils ne le font pas, ils s'y enfoncent puis après ils viennent chez moi se plaindre.
J'en suis arrivé à la conclusion que se plaindre leur apportait plus de satisfaction que le désagrément que causaient leurs vrais problèmes.
Quels pervers.
Je suis encore en train d'enquêter sur cette fâcheuse habitude, à mi-chemin entre la mythomanie, le masochisme, et de lâcheté.
Fort heureusement certaines personnes ne sont pas encore atteintes par le virus, et la destinataire de ce message en fait partie (sinon je ne lui parlerai pas de ça bien évidemment).
Le plus troublant dans tout ça, c'est que je viens de découvrir que moi, par contre, j'en étais atteint.

Ouille.

16 juin 2004

Aimer.
C'est donc possible ?

C'est la révolution dans mon coeur.
Je ne suis pas jalouse. J'aime ce qu'il fait quand il est avec moi. J'aime aussi ce qu'il fait quand il n'est pas avec moi. Je ne suis pas malheureuse de ne pas être avec lui. Je suis doucement heureuse quand je suis avec lui. Je n'attends rien de lui. Je veux qu'il reste le plus libre possible. Si ça s'arrête aujourd'hui, je ne serai pas malheureuse. Je suis contente qu'il existe. Il ne me manque pas. Ma vie ne manque de rien sans lui. J'ai encore envie de faire des choses sans lui.
Je peux doucement me moquer de lui comme s'il était un copain, je peux faire la fausse bagarre avec lui comme avec mon frère. Il aime ce que j'aime faire et il aime que j'aime ce qu'il me fait. Ce qu'il dit de sa vie résonne et remue au plus profond de moi comme si nous étions fait de la même chose.

Je ne veux lui faire aucune promesse. Il ne veut pas que je lui en fasse. Je ne veux pas lui dire que je l'aime. Je peux garder du temps libre pour moi sans culpabiliser de ne pas lui donner tout mon temps. Je ne veux pas passer ma vie avec lui.
J'ai toujours pensé que c'était de toutes façons hors de question.

Bien sûr ce que j'aime c'est moi-même à travers lui, bien sûr cette illusion ne tient que sur le fait que rien de sérieux n'est possible entre nous, bien sûr il est ébloui par moi, c'est facile, par ma jeunesse, et moi par sa maturité et tout ce qu'il a déjà construit.
Bien sûr, ça ne peut pas durer.

J'ai eu peur, tellement, de trop de choses, de ne pouvoir continuer à être moi-même, d'être aliénée. Soit ce n'est pas le cas, soit je lui suis au point de ne plus m'en rendre compte... Je n'ai même pas peur de tomber, je n'ai pas l'impression de pouvoir perdre ce que j'ai gagné.
Je ne flotte pas, je souris. Je ne rêve pas, je vis.

2 mai 2004

Dimanche dernier, j'ai passée toute une soirée à discuter avec mon amour d'enfance.
Une fille admirable dans tous les sens du terme, belle, sportive, active, sûre d'elle tout en n'étant pas arrogante, une fille capable non seulement d'expliquer avec conviction son point de vue, mais également d'écouter avec patience le point de vue des autres. Une fille qui dans le fond n'a pas grand défaut, et bénéficie de qualités exceptionnelles. Une fille que j'admire toujours autant, même si je ne suis plus amoureux d'elle.
Il faut ajouter qu'elle vient de se marier. Qu'elle est une adulte à présent. Qu'elle a des préoccupations d'adultes qui m'ont paru si sérieuses, si éloignées de moi, je me demande encore comment cette fille a pu grandir aussi vite. Et puis j'ai voulu comparer cette fille à une autre qui lit ce teste en ce moment même (à la seconde près), et enfin je me suis dit que grandir, devenir adulte, c'était aussi plier sous le poids de la pesanteur. Tout devient si lourd dans la vie de mon amour d'enfance, tout a des conséquences calculées à long terme, tout a un risque et des avantages qui les contrebalancent, tout est mûrement réfléchi, tout est écrasant. Ne pas penser, ne pas calculer, rester léger, c'est refuser de grandir, peut-être, c'est rester encore jeune. Et c'est formidable.
Je me sens si étranger à cette lourdeur, je me sens moi aussi si léger, je voudrais ne jamais avoir les problèmes qu'a cette fille.
Ou plutôt, qu'a cette femme.
Je veux rester un garçon, et ne jamais devenir un homme.
Je souhaite à ma lectrice de rester une fille, et de ne jamais devenir une femme.
On m'a tellement reproché d'être immature, et j'entrevois à présent qu'être immature est peut-être bien ma plus grande qualité.
Ce soir, il m'a semblé voir des choses lourdes dans le regard de certains garçons. Ils m'ont paru être des hommes, et ils m'ont fait de la peine. Je vois tout de leurs manoeuvres et de leur rancoeur, et j'ai peur, j'ai peur que cela puisse consumer une jeune fille et lui donner des aigreurs gastriques, j'ai peur que le coupable ne soit pas celle qui est généreuse et qui croque la vie comme une pomme, mais ceux qui veulent posséder la pomme, vendre la pomme, contrôler la pomme, ceux qui dévisagent la pomme avec un air de chien battu, une expression que je ne connais que trop bien.
Pourquoi vouloir pardonner une faute qui n'a pas été commise ?
Le pire, c'est que ces hommes essaient de faire porter le poids de cette culpabilité sur la jeune fille. La meilleure défense pour un coupable, c'est d'accuser un innocent. J'espère sincérement qu'elle sera assez forte pour ne pas tomber dans leur piège, qu'elle sera assez légère pour s'envoler et surmonter ces obstacles et cette peur, et que le vent la porte jusqu'où elle veut aller (à l'Aquaboulevard ?).
Qu'y a-t-il de plus léger qu'une pomme ?
Rien, si ce n'est le bonheur.

1 mai 2004

J'ai sur mon bureau la photo de ma filleule qui croque dans une pomme.
J'ai passé la soirée à faire des gateaux pour demain.
Je sais que demain je vais mettre de l'ordre dans ma chambre, dans l'appart, je sais que je n'ai rien de spécial de prévu. Rien que je ne sois obligée de faire.
Il reste un gateau au chocolat qui cuit. Ca commence à sentir bon.

Demain soir, il y aura des gens chez nous, qui seront là pour faire la fête, oublier ce qui peut ne pas aller, déconner ensemble, rien que ça, oublier toutes les conséquences [mmm... Si l'on oublie Benjamin dans l'histoire...] grâce à (trop) d'alcool et montrer qu'on est contents d'être vivants. Contents de ne pas être seuls. Contents de profiter de ce qui nous passe gentillement sous la main.

Voilà. Tout va bien.
Je ne vais pas me laisser malmener mon bide pour une histoire de culpabilité. C'est fini la culpabilité, c'est fini, l'égoïsme, je ne veux plus en entendre parler, ces choses là n'existent pas. Elles ne mènent à rien, n'ont jamais rien fait avancer, rien que de la peur et du mépris. De la méprise. J'aimerai qui je voudrai autant que je voudrai. On m'en voudra s'il on veut, on m'accusera s'il on veut, le sens, j'espère l'avoir compris : personne n'a perdu le droit de se sentir bien avec quelqu'un d'autre. Le mariage n'empêche pas de vivre. Se trahir soi-même c'est autant trahir que de ne pas être fidèle. (?)

(Bien sûr je choisis la solution de facilité. Bien sûr je choisis l'égoïsme tout en réfutant son existence, je choisis la culpabilité tout en réfutant sa pertinence. Je ne sais pas si je me le pardonnerai.)

14 avr. 2004

Donner...
Recevoir...
Ce que je peux dire sur l'amour n'a pas une vraie valeur d'expérience et de connaissance, ce n'est qu'un fantasme, j'essaie de le rendre le plus réaliste possible, ou plutôt conforme à l'idée générale que les gens se font de l'amour, il n'en reste pas moins un pur fantasme.
La fille que j'"aime" me répète souvent la même chose, à savoir que si on n'est pas capable de donner sans espoir de recevoir, on est incapable d'aimer. J'ai la sensation, peut-être aigrie, de lui avoir énormément donné, j'ai donné tout mon coeur tout d'abord, j'ai donné mon temps, j'ai donné de mon argent aussi (je sais que dire qu'on est généreux d'argent passe pour de l'arrogance dans ce pays, mais tant pis), j'ai donné aussi de la chose qui est, selon moi, mon bien le plus précieux : ma gentillesse. Encore et encore de la patience, de l'ouverture d'esprit, de la compassion.
Dans mon esprit, aimer c'est donner. Lorsque j'aime, je veux donner, ce n'est pas seulement pour prouver mon amour, c'est juste parce que ça me paraît naturel, pour moi donner c'est tout simplement l'acte élémentaire d'amour.
Cette fille m'a expliqué que j'avais tort, qu'un amour pur se construisait précisément là où personne ne donnait rien à l'autre, que donner était un acte égoïste et prétentieux qui imposait un rapport de force à l'autre, que donner comme je donne c'est toujours réclamer quelque chose en retour, c'est acculer l'autre à avoir honte de ne pas donner en retour. Quelque part cela m'a fait penser à cette conception un peu Nietszchéenne qui dit que seuls les faibles reçoivent, et que seuls les forts sont dignes de survivre.
Cette fille m'a expliqué que lorsque je l'invitais au restaurant, je n'étais pas gentil avec elle comme je le croyais, bien au contraire, je la mettais au pied du mur, je la contraignais à me devoir quelque chose, et qu'il n'y avait là vraiment aucun amour possible.
Et je dois l'avouer, malgré ma stupeur initiale, elle a raison. Je lui donne beaucoup, c'est vrai, et mon espoir réel c'est qu'un jour je reçoive d'elle, je reçoive sa gentillesse, sa tendresse, et pourquoi pas, son amour. Je lui donne effectivement afin de recevoir en retour ; je prends plaisir à donner, mais je crois que c'est parce que je me dis que je "marque des points" pour influencer l'autre.
En fait, j'aime en espérant recevoir de l'amour. C'est sans doute un amour mesquin, un amour définitivement insatisfait.
Aujourd'hui je crois que j'ai compris que je ne devais rien attendre de personne, que chercher à obtenir quelque chose avec son coeur c'est irrémédiablement diminuer ses chances de l'obtenir, et augmenter la peine de la déception qui en suit. Aujourd'hui j'ai envie de prendre ce que l'on me donne sans me poser trop de questions. Aujourd'hui on me donne et j'en suis heureux, et j'ai envie de prendre et de donner au fil de l'eau et je sais bien que tout cela est sans doute temporaire et sans importance, mais cela ne me dérange plus. J'ai fini par acepter l'idée que je ne saurais jamais ce qui se passe réellement dans la tête des autres, que je ne saurais jamais quels sont les sentiments profonds des autres, et que cela n'avait pas autant d'importance que je croyais auparavant. Cela ne peut sans doute pas s'appeler de l'amour, mais cela me plaît beaucoup et je comprends que cela soit satisfaisant.
Je réalise aussi à quel point il me reste de choses à apprendre sur le plaisir et l'amour, et aussi à quel point certaines personnes n'ont pas fait l'effort de vouloir apprendre. Je ne veux plus faire partie de ces gens-là, et j'espère seulement qu'il n'est pas trop tard pour bien faire.

12 avr. 2004

Je me suis rendue compte d'un truc dans la voiture.
Là, tout à l'heure.
Une histoire de coeur.

Je ne sais pas comment j'en suis arrivée là, sûrement à partir de la musique qui passait. Et qui retraçait une ambiance. Une ambiance de rupture, de mal-être, par exemple. je me suis rendue compte que ça me serrait quand même, ça me serrait quand même le coeur.

On me dit en substance "avec cette volonté de rester détachée sentimentalement [de tes amants], quand tu laisses libre cours à tes sentiments, ça doit être d'une force extraordinaire". Non, juste, je n'ai pas de sentiments extraordinaires, pour l'instant, je préfère vivoter d'un semblant d'amour, parce qu'on me le donne, parce que j'aime le recevoir.
J'aime.
Le recevoir.

Voilà ce que j'ai explicité dans la voiture. Le sentiment qui fait mal et que je ne veux revivre à aucun prix c'est ce sentiment que j'ai subi à la fin de mon histoire qui a duré deux ans. Et que s'est-il passé ? Je me sentais aimée moins. Je sentais la lassitude, je sentais que je rendais malheureux. Et je sentais aussi que je n'avais plus envie de faire aucun effort pour récupérer cette relation, je sentais que je n'étais pas bien moi-même et qu'il ne pouvait rien faire pour moi, non plus. Je me sentais perdre pied, est-ce mon coeur qui était brisé ?

J'ai toujours dit que je ne l'avais jamais vraiment aimé, ou alors entre le 3ème et le 6ème mois de notre relation. Après ça, en simplifiant, on peut dire qu'il m'a manqué, c'est tout. Et quand je dis que je l'ai aimé, j'ai juste aimé recevoir son amour. Il y a eu un moment très beau où je me suis laissée aller, non à l'amour, mais à aimer ce qu'il me donnait. A m'attacher à tout ça, à désirer le revoir, désirer notre relation. Me rendre fragile, dépendante. Je ne l'ai jamais aimé pour ce qu'il était mais pour ce qu'il me donnait. Je l'ai aimé pour moi, pour m'aimer moi, pour l'image qu'il me renvoyait. Et c'est cette rupture qui m'a fait du mal. Cette rupture d'avec moi vue par lui. Et je ne sais pas aimer autrement. Je ne sais que m'attacher égoïstement. Et je ne veux plus que ça arrive.

Est-ce cela qu'on appelle l'amour, tout de même ? Cette envie de recevoir des attentions particulières ? Cette envie de se donner tout entier, comme un petit enfant ? Je ne crois pas. Je ne suis pas sûre d'avoir quelque chose à regretter. Je peux tout juste regretter de ne pas avoir su aimer. Regretter de ne pas avoir de sentiments extraordinaires. De ne même pas savoir ce qu'on me dit lorsqu'on [ne] me dit [pas] "je t'aime". De ne pas savoir ce que c'est de se jeter comme ça amoureux. Je me souviens de cette joie du troisième mois, quand je me suis laissée aimer, quand j'ai commencé à m'engager dans la relation comme si l'avenir n'existait pas et que les jours seraient tous les mêmes et tous faciles. Cette joie ressemblait à celui de l'amoureux. Mais j'aimais un miroir indulgent.

Ca m'a fait du bien, je crois, tous comptes faits. J'en avais besoin, d'indulgence. J'avais besoin d'amour, énormément, j'avais besoin de confiance en moi. Mais on se rend compte de ce dont on a eu besoin seulement lorsque l'effet est fait. De quoi ai-je besoin aujourd'hui ? De temps. De temps pour vivre, d'amis pour être bien, et j'en ai. Et de bien d'autres choses que mon inconscient garde pour lui. Mais je pense me contenter aujourd'hui de sentiments ordinaires. Et de continuer d'aimer qu'on m'aime, tant pis. Vivre de partage et de confiance plutôt que d'amour, j'espère. Savoir donner et surtout savoir recevoir.

Fragilement, tendrement, librement, je continuerai, j'espère, à ne pas m'attacher.

6 févr. 2004

J'ai le blues, aujourd'hui.
Ca arrive. Je suis malade. Je souffre, pas à la mort, juste un peu, juste de quoi me rappeler à chaque seconde que je ne suis que chair, que je suis faible, que je créverai bientôt et que mon agonie sera lente, comme tout le monde. Avec l'habitude d'être en bonne santé, j'avais oublié tout ça. J'ai décidément la mémoire courte.
Ce qui est divin dans la douleur, c'est lorsque l'on sait qu'elle va s'arrêter. Je peux comprendre les masochistes qui trouvent une satisfaction à s'infliger une gêne pour savourer le moment de la délivrance. Le soulagement vient délicieusement balayer toute la peine en un souffle.
Cependant il est des douleurs qui ne cessent jamais. Il est futile d'en attendre le moindre répis. Le sel événement susceptible de mettre fin à cette sensation atroce, c'est la mort. On se dit qu'on doit être fort, être "un dur", et encaisser cette souffrance en silence. Il ne sert pas à grand chose de dire qu'on a mal, comment quelqu'un d'autre pourait comprendre ? Comment quelqu'un d'autre pourrait soulager ? C'est impossible.
Mon corps, ce large vaisseau étrange et rayonnant, cet océan dont je ne connais qu'une partie de la surface et dont les profondeurs me sont totalement inconnues ; parfois quelque douleur effleure et je devine un muscle, une côte, un boyau dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce qu'il me fasse mal, jusqu'à ce qu'un médecin me dise que quelque chose cloche. Ai-je vraiment besoin de tout ça pour rester en vie ?
Souvent je regarde ce corps. Assurément c'est là un inconnu qui me regarde depuis la glace. Qui est ce grand type ? l'air indolent, une énorme masse de cheveux raides et poisseux posée sur le sommet du crâne, avec son menton large et arrondi, son nez rougeaud et ses grosses lèvres violacées ? Qui est-il, avec ce cou épais et ces épaules massives,ces grands doigts calleux, ce ventre tendu et plein, ces jambes longues et velues ? Est-il fier de lui ? Est-il beau ? Comment le saurais-je ? J'en suis un autre, cela se voit.
Pourtant je dois bien avoir un corps quelque part, je le sens bien, mais je n'arrive pas à me résigner et à me convaincre que les deux mains qui se promènent insouciantes sous mon regard sont bien les miennes, que toutes ces choses rosâtres étendues, là, en dessous, sont bien à moi.
Mon esprit est tellement dynamique et plein de vie, il vole littéralement, fais des virages mortellement serrés, pique des accélérations foudroyantes, il est une plaine infinie, il est acéré comme l'arête d'une montagne, il est la jonction entre le ciel et la mer; comment comparer cet esprit ? ce corps grotesque et indistinct ? Comment imaginer une seule seconde que c'est mon corps qui contient mon esprit ? C'est trop absurde.
Je suis beau, je le sais, mon esprit est beau, mon âme est merveilleuse, tout en moi respire la vie. Sauf mon corps ; mais il ne m'appartient pas. Je n'en veux pas ; et ce n'est pas la peine de m'en amener un autre, cela ne changera rien.
Je n'ai pas besoin de corps pour vivre.

11 janv. 2004

Le bonheur et l'espoir ne peuvent pas être confondus réellement. Le bonheur, c'est la satisfaction globale de sa vie passée. L'espoir, c'est la satisfaction que l'on désire pour l'avenir.
Le bonheur, c'est la satisfaction à laquelle on s'attend.
On appelle le repos, on se contente de l'abrutissement
On veut l'amour, on cherche le plaisir fugace.
On désire le pouvoir, on se satisfait de la violence.
On voudrait vivre, on se prépare à survivre.
On veut plus que tout le silence, le vrai, le majuscule, et il faudra continuer à supporter ce bruit de fond.
Pas de lumière ici. La lumière est aveuglante de toute façon.
Peut-être que ce regain de moral me fait perdre ma rhétorique. Après tout, si tu reprends espoir, je n'ai plus grand chose à dire, je sais à quel point se sentir bien dans sa peau est un sentiment précieux et fragile, j'ai peur de le détruire, je préfère presque me taire. Je me sens plus à l'aise dans la dépression, là au moins je sais où je vais, je n'ai pas peur d'abimer. Là je dois m'incliner et respecter ; enfin mon silence a une chance d'être utile.

9 janv. 2004

Il y a un concept nouveau dans ma tête, quelque chose de plutôt étonnant. Ou pas. Quelque chose on dirait une lumière, une confiance.

Hier soir à la "leçon de musique" le Monsieur disait "qu'est-ce que l'espérance ? C'est difficile à définir l'espérance... Tout à l'heure avec le violoncelliste nous avions commencé un débat sur ce thème : quelle est la différence entre l'espoir et l'espérance ?". En effet le Monsieur allait nous paler de la musique de Gustave Fauré, qui est pleine d'espérance parfois. Et le Monsieur de se tirer de cette question épineuse de façon élégante, en disant : "en s'aidant de la consonnance du mot, on pourrait dire que l'espérance c'est l'espoir, mêlé à la confiance".

Eh bien cette espérance ce n'est pas tout les jours qu'elle nous est donné. C'est une histoire de foi. C'est une lumière comme je disais. Quelque chose de reposant. Je l'ai connu déjà une fois, en début de deuxième année à l'école, je crois, et depuis, non, presque plus. Et pourtant aujourd'hui sans me permettre de sombrer dans des considérations mystico-psychosomatiques, je crois que si. J'ai l'impression que ma vie est vivable, j'ai l'impression d'avoir envie de continuer. C'est suffisamment différent par rapport à il y a deux mois pour être noté.

Qu'est-ce qui se passe exactement ? Comment retracer cette sensation étrange ? Est-ce juste un sentiment de contraste, justement ? Est-ce juste un effet de balancier qui me balance comme se font balancer les véritables maniaco-dépressifs, période rouge, période noire ? Peut-être. Que ça ne m'empêche pas d'en profiter tout de même. L'espoir. La confiance. L'espérance.

J'ai l'impression d'avoir démêlé cet écheveau indémélable dont je parlais, j'ai l'impression d'être enfin viable. J'ai l'impression qu'on m'a donné des capacités en plus et que du coup je peux vivre. Ce sont surtout des capacités d'autodérision, peut-être, de recul. Comment dire ?
Juste l'idée que ça en vaut la peine, même si ça ne va nulle part. L'idée que le bonheur se goûte tous les jours et qu'il n'est pas dans l'attente du bonheur. L'attente du bonheur, la préparation du bonheur, la vision constante sur le bout de chemin, ce n'est pas le bonheur, c'est la frustration. Et un certain lacher prise sur ce but qu'on se donne et qui n'a pas d'autre sens que celui qu'on lui donne (qui n'a donc pas de sens) permet de marcher sur le chemin, de flâner en regardant le paysage, de discuter avec son voisin, et de ne plus s'inquiéter tellement si l'on prend le bon chemin ou non, l'important étant d'être bien quelque part. L'important se vit tous les jours, et pas seulement le jour du concert, pas seulement le jour de la fête, pas seulement lorsqu'on est arrivé. Heureusement, car ces moments-là sont tellements decevants lorsqu'on en attend trop. J'ai l'impression de faire de la psychologie d'élève de 4ème mais enfin. L'important n'est pas de le comprendre, mais de le vivre.

Réfléchissant de nouveau à ma vie, à ma présence ou non à la vie et à la souffrance et à la joie, je me rends compte que rien n'a de sens, contrairement à ce à quoi je voulais désespérement m'accrocher il y a deux ans. Ca va, ça ne va pas, ça n'a aucun rapport avec les apparences, et il n'y a rien à me souhaiter en ce début d'année. Je ne me souhaite pas grand chose non plus, je n'ai plus besoin de grand chose, ou alors j'ai déjà tout en quantité suffisante. Je m'amuse, je m'exprime. Je n'en ai pas encore marre de ses amis-là, et je suis contente de bientôt pouvoir remarcher avec mes deux pieds. Et je sais que tout va bientôt changer, et j'ai envie que ça change, aussi. Je n'ai pas peur, et je suis prête à faire tout autrement, je pense que je ne flancherai pas parce que j'ai enfin des bases solides. C'est la théorie.

Tout cela est trop beau pour être vrai, je suppose.
Et j'ai la trouille déjà que m'être permis de l'exprimer fasse disparaître l'illusion...