"est-ce que je suis bien celle qui travaille à ce bureau ?"
"qui pourrait savoir qui est F****** P********* ?"
Quand est-ce qu'on peut dire que je me sens vraiment exister, et vraiment être moi-même ?
Aucune idée.
Sur scène peut-être, paradoxalement en jouant un rôle.
Et puis non. A la piscine, sur mon vélo, lors d'un effort physique. Sur une paroi, lorsqu'il ne faut pas tomber. Et puis je tombe, mais quelqu'un me retient.
Et puis non. Dans un lit lorsqu'on partage tout.
Et puis non. Dans un mail où je déballe tout en tentant d'être le plus honnête possible.
Et puis non. Dans les blogs ou sur les feuilles de papier, là où il faut dire les choses et là où elles s'emmèlent.
Car c'est bien là que nous sommes le plus : dans nos contradictions.
Dans mon cas je ne suis que le résultat difforme d'expériences et de rencontres diverses. Je ne suis pas moi-même, je ne sais pas quelle opinion je pourrais avoir sur moi-même. Je ne sais même pas si je peux avoir une opinion sur quoi que ce soit. J'ai l'opinion que j'emprunte à certains. Je garde celle que je préfère. Je suis mes préfèrences.
Mais lorsque je ne sais plus ce que je préfère, lorsque je suis face à un mur parce qu'aucune solution n'est viable, parce que je préfère ne pas y réfléchir et faire juste, justement, ce que me disent mes sensations.
Voilà ce que je suis.
Une boule de sensations.
Des couleurs, de la chaleur, des envies.
Egoïste, inconsistante, inconstante, irresponsable, inaccessible, insouciante, irréelle, idéale.
Dangereuse.
Je me perds dans les nuages et je n'ai aucune envie de revenir sur terre. Je n'ai pas tant envie de lucidité que ça. ça viendra bien assez tôt. Et si ça ne venait jamais ?
26 juil. 2004
21 juil. 2004
Il me semble que je suis peut-être en pleine "crise identitaire", cce qui signifie que ces derniers temps je ne sais plus vraiment qui je suis, ou plutôt j'ai du mal à me faire à l'idée que je suis bel et bien quelqu'un à part entière.
Cela m'apparaît parfois quand je prends un soudain recul sur ce que je suis en train de faire où l'endroit où je me trouve, je me sens surpris : comment suis-je arrivé là ? Est-ce que je me souviens bien avoir fait tout ça, être bien l'homme qui travaille à ce bureau ?
Ce phénomène m'a frappé de manière particulièrement vive hier en début d'après-midi, des gens de différents services de ma société se connectaient à une conférence téléphonique et je me suis connecté très tôt. Au milieu du brouhaha des gens inconnus, ou que je ne connais que par leurs voix, ces gens qui s'asseyaient, se raclaient la gorge, toussaient, j'ai entendu, très nettement, deux voix de femmes que je n'ai pas reconnues, des voix ténues, comme des chuchotements au ras du combiné, et l'une demandait : "qui est Nicolas Palierne ?" et l'autre de répondre : "qui peut le savoir ?"
Et c'est tout.
Et ces deux phrases m'ont vraiment stupéfait, deux personnes que je n'avais jamais vues, qui lisaient sans doute une liste des participants à la conférence, et qui se demandaient qui j'étais, je me suis senti tout à coup exister réellement, pas juste un objet bruyant posé sur une chaise, un vrai être humain défini par ses actes et pas seulement par son rôle, par ses papiers, par son adresse mail. Et elles se demandaient qui j'étais, et je me suis dit : qui peut se demander sur cette Terre qui je suis ? Qui peut le savoir ? La coincidence entre cette phrase anodine et la réalité de ma dépression a engendré un écho en moi.
Le nom lui-même, sa sonorité familière, me paraît surprenante, tout comme je ne reconnais mon visage dans la glace qu'en faisant un réel effort d'auto-suggestion, quand tous mes sens me disent : "Ni*co*las Pa*lie*rne, ce n'est pas mon nom... et ce visage qui me regarde dans les yeux, ce ne peut pas être le mien..." alors je me force, et je me convaincs à contre-coeur qu'il s'agit bien de mon nom et que dans ce miroir il n'y a que moi.
Je crois que malgré tout j'existe à mon travail, d'une manière surprenante, loin de celle à laquelle j'aspirais, mais j'existe. Je méprisais auparavant les gens qui ne se consacraient qu'au travail, mais à présent je comprends mieux, je découvre qu'il faut se trouver là où on existe. On peut ne pas exister au sein de sa famille. On peut être transparent dans son couple, et tout seul on n'existe pas. Mais à mon travail, j'ai la sensation d'être réel, d'être opaque, d'effectuer des actions qui ont des conséquences sur la vie des gens. Curieusement, il s'agit là d'un pouvoir que je crois n'avoir jamais eu auparavant ; il s'agit d'un pouvoir grisant mais effrayant en même temps, le pouvoir de forcer un type à rester travailler jusqu'à minuit, celui de virer ou d'embaucher des prestataires. J'appuie sur la surface de leur vie.
Et les deux inconnues murmurent, en un souffle, "qui est Ni*co*las Pa*lie*rne ?" et je voudrais tant avoir quelque chose de fort à leur répondre, quelque chose d'intelligent, de profond, mais comme je ne suis rien de tout ça, je dis juste, à voix haute, et tous les participants à la conférence l'entendent nettement :
"Ni*co*las Pa*lie*rne, c'est moi."
Et je me suis senti particulièrement inexistant.
Cela m'apparaît parfois quand je prends un soudain recul sur ce que je suis en train de faire où l'endroit où je me trouve, je me sens surpris : comment suis-je arrivé là ? Est-ce que je me souviens bien avoir fait tout ça, être bien l'homme qui travaille à ce bureau ?
Ce phénomène m'a frappé de manière particulièrement vive hier en début d'après-midi, des gens de différents services de ma société se connectaient à une conférence téléphonique et je me suis connecté très tôt. Au milieu du brouhaha des gens inconnus, ou que je ne connais que par leurs voix, ces gens qui s'asseyaient, se raclaient la gorge, toussaient, j'ai entendu, très nettement, deux voix de femmes que je n'ai pas reconnues, des voix ténues, comme des chuchotements au ras du combiné, et l'une demandait : "qui est Nicolas Palierne ?" et l'autre de répondre : "qui peut le savoir ?"
Et c'est tout.
Et ces deux phrases m'ont vraiment stupéfait, deux personnes que je n'avais jamais vues, qui lisaient sans doute une liste des participants à la conférence, et qui se demandaient qui j'étais, je me suis senti tout à coup exister réellement, pas juste un objet bruyant posé sur une chaise, un vrai être humain défini par ses actes et pas seulement par son rôle, par ses papiers, par son adresse mail. Et elles se demandaient qui j'étais, et je me suis dit : qui peut se demander sur cette Terre qui je suis ? Qui peut le savoir ? La coincidence entre cette phrase anodine et la réalité de ma dépression a engendré un écho en moi.
Le nom lui-même, sa sonorité familière, me paraît surprenante, tout comme je ne reconnais mon visage dans la glace qu'en faisant un réel effort d'auto-suggestion, quand tous mes sens me disent : "Ni*co*las Pa*lie*rne, ce n'est pas mon nom... et ce visage qui me regarde dans les yeux, ce ne peut pas être le mien..." alors je me force, et je me convaincs à contre-coeur qu'il s'agit bien de mon nom et que dans ce miroir il n'y a que moi.
Je crois que malgré tout j'existe à mon travail, d'une manière surprenante, loin de celle à laquelle j'aspirais, mais j'existe. Je méprisais auparavant les gens qui ne se consacraient qu'au travail, mais à présent je comprends mieux, je découvre qu'il faut se trouver là où on existe. On peut ne pas exister au sein de sa famille. On peut être transparent dans son couple, et tout seul on n'existe pas. Mais à mon travail, j'ai la sensation d'être réel, d'être opaque, d'effectuer des actions qui ont des conséquences sur la vie des gens. Curieusement, il s'agit là d'un pouvoir que je crois n'avoir jamais eu auparavant ; il s'agit d'un pouvoir grisant mais effrayant en même temps, le pouvoir de forcer un type à rester travailler jusqu'à minuit, celui de virer ou d'embaucher des prestataires. J'appuie sur la surface de leur vie.
Et les deux inconnues murmurent, en un souffle, "qui est Ni*co*las Pa*lie*rne ?" et je voudrais tant avoir quelque chose de fort à leur répondre, quelque chose d'intelligent, de profond, mais comme je ne suis rien de tout ça, je dis juste, à voix haute, et tous les participants à la conférence l'entendent nettement :
"Ni*co*las Pa*lie*rne, c'est moi."
Et je me suis senti particulièrement inexistant.
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