29 août 2004

Tout ça me laisse pantelante.
Je croyais être entourée.
Et puis j'ai tout dénaturé, par ma faute, parce que je veux toujours aller trop loin, parce que j'ai un sévère appétit de choses défendues et délirantes.
Et je ne sais plus, maintenant, si de ces personnes je veux seulement être aimée, aimée trop, aimée et faire souffrir. Ou si je veux bien être seulement comme tout le monde, juste un peu présente, et sans importance. Indolore.

Je voudrais l'être, aujourd'hui, indolore, bon sang, évidemment, mais c'est trop tard, évidemment.
je n'ai rien compris aux signes avant-coureurs je n'ai pris aucune précaution et j'ai foncé, pour m'amuser, parce qu'il n'y a que ça qui compte. Parce que la vie est trop triste.

La vie est trop triste, aujourd'hui, avec tous ces délires que je n'ai plus avec ma coloc, avec toutes ces paroles qui permettaient de dédramatiser, avec cette présence bienveillante à la maison qui faisait du bien, qui faisait qu'on était pas seules.

Fini.

Et je me cogne encore à mon mur d'égoïsme. Elle ne va pas bien, et ce qui ne va pas ça emmerde ma petite vie tranquille. Il va mieux et s'amuse avec les copains, et ce qui ne va pas c'est que je ne peux plus en profiter, de ces copains-là.
On est si petits.
Il faut vivre avec tout ça.
Avec tout ce qui ne va pas en nous.
Avec tout ce qui ne va pas chez les autres.
Et réussir à voir quand même sans aigreur ce qui va aussi, ce qui va.
Et qui nous fera tenir, quand même, et quand bien même, même quand plus rien n'ira, il faudra tenir aussi.
Ou pas.
Se coucher sur le sol et attendre.

Il faut de ce courage pour se tenir debout quelque fois.
Et d'autres fois campés dans les illusions c'est si simple.

C'est l'illusion qui veut encore faire tenir monsieur Marié.
Est-ce qu'on peut au nom de toutes les injustices, au nom de tous ratés de toutes les existences et qui font qu'on ne peut pas vivre bien, est-ce qu'on peut au nom du malheur refuser de vivre un peu cette illusion ?

Je refuse, aujourd'hui, je rejette cet amour, encore, parce que je ne peux partager cette illusion, justement, je ne peux plus croire assez en cette illusion pour oublier tout le reste. Et la magie n'opère plus. Mes yeux, ouverts sur la misère. J'ai encore envie de ne pas être seule, de ne pas le laisser seul. Encore une indulgence toute prête pour lui, pour moi aussi. Parce que c'est possible d'aimer légèrement, parce que c'était possible, parce que ça a été possible. Parce qu'on prestidigitationner la réalité. On peut s'enfuir un peu dans l'irréel, quand on est deux à partager une illusion.
Et je la perds.
Et je ne peux plus communiquer avec lui toutes ces choses qui me broient le coeur et qu'il ne comprend pas, et il faut se perdre en explications sans queue ni tête, et c'est épuisant de voir toutes ces différences dans nos têtes.

"au nom de tout c'qui nous sépare,
trahis et dérisoires"
"alors c'est comme finir ces jours en prison
c'qui nous fait tenir c'est l'absence de raison"

Et il n'y a que moi qui ai trahi, pour arranger le tout.
je peux me sentir coupable autant que je veux.
et je mélange toutes les histoires, et je ne retrouverai peut-être rien au bout
il faut que je recommence ma vie.
encore une fois.
La lumière passe à travers mon coeur, à travers mon âme.
J'ai toujours su que rien n'arrivait jamais tout seul, qu'il fallait toujours aller au devant des choses, au devant des gens. Et pourtant je crois qu'en terme de sentiments il ne faut jamais rien forcer ; c'est là un amer paradoxe.
Tant de possession, tant de jalousie, tant de vanité dans l'amour.
Comment pourrais-je prétendre être capable d'aimer puisque toutes les personnes que j'ai aimées m'ont rejeté et ont souffert d'avoir à me rejeter ? J'ai fait souffrir ceux que j'aimais en les aimant.
Comment pourrais-je prétendre être capable d'amitié alors que nul n'a confiance en moi et que moi même je ne parviens pas à avoir confiance en personne ? J'ai fait souffrir mes amis en tenant à eux.
Beaucoup de gens m'entourent, et je me sens si irrémédiablement seul, si désespérément seul. Je pourris tout ce que je touche.
Comme si j'étais présent, sans qu'on me voit. Je cherche à agir, mais je ne peux rien changer. C'est ça, être transparent.
Puisque je laisse passer la lumière, il ne me reste que la nuit.

16 août 2004

Toujours pas
Toujours pas mort
Toujours pas du sable
Toujours pas d'accord.

le sable dans le vent, qui pique les yeux.
l'attrait du néant qui rit du peu
du peu de sérieux des vivants
des pas de géant des enfants

personne n'est mort pour te laisser vivre
tu ne dois rien à personne
et tu peux être sincère

et tu dois être sincère et cesser
de vivre dans des chimères et cesser
de casser des cailloux
la terre retourne à la terre
les murs de poussière
plantés de petits clous

"bijou choux bisou poux" plantés au milieu d'un enregistrement.
le courage proche de la terre, niveau zéro
planté le nez au ciel, je me mouche dans les étoiles
puisque la musique et les mots, toujours, encore, un cauchemar.

plantée tout droit.
hors circuit.
moi.

13 août 2004

Le sable.
Le sable est du rocher broyé, brisé, réduit en poussière. Quelle humilité de penser que le roc qui représente tout ce qui est dur et inaltérable sur cette planète peut ainsi être détruit par quelque chose d'apparemment aussi faible et anodin que le temps. Toute cette planète est un énorme rocher, bientôt il n'en restera qu'un nuage de sable flottant inerte dans l'éther.
Le sable est la mort de ce qui paraît le plus éternel. Le sable est la mort qui ronge tout.
Les enfants jouent sur le sable et parfois je me dis qu'ils marchent sur la poussière de leur planète.
Ma vie s'égrenne elle aussi, lentement, inexorablement. Tant de choses que je ne vis pas, tant de plaisirs que je n'ai pas, tant de mensonges que je ne corrige pas. Je n'ai pas le temps.
Qu'ai-je donc, puisque je n'ai pas le temps ? J'ai mon corps, un corps qui finira, justement, en poussière.
J'imagine ces mains en train de s'effriter et de tomber en morceaux, j'imagine mes jambes à l'état de sable. Les enfants viendront-ils jouer sur le sable ? Viendront-ils courir et rire sur les sédiments qui seront les ultimes traces de mon corps en décomposition ?
Nous savons tous qu'une nouvelle vie naîtra de notre mort, que nous laisserons la place à quelqu'un d'autre. Je suis prêt à l'accepter. Seulement parfois je me demande : de qui ai-je pris la place ? Montrez-moi celui qui est mort pour me permetre de naître ; je veux le voir, rien qu'une fois, juste l'apercevoir, rien que pour être sûr que je me souviendrai de lui. Est-il au paradis, me regarde-t-il depuis sa tombe ? est-il en train de me juger ? Je veux le voir, mais je ne supporterai pas son regard ; tous ces hommes sont morts pour mon confort, pour ma liberté, pour tout ce qui fait ma vie.
Je voudrais tellement croire que ça en vallait la peine.
Ma pensée est vent.
Ma mémoire est sable.
Mon avenir est poussière.