23 oct. 2004

La trace que laisse mes doigts.
Sur de l'eau, mes doigts dessinent des entrelacs d'ondes et de cibles imaginaires, qui survivent à peine quelques fractions de seconde avant de laisser la place à un brouillage apparemment aléatoire de la surface de l'eau.
Sur le sable, mes doigts creusent des sillons nets et profonds, comme des entailles portées à la Terre par des griffes gigantesques.
Sur la poussière, mes doigts dégagent de longs sillons lisses et brillants qui dégagent des nuages de minuscules particules brillant dans la lumière.
Sur le miel, mes doigts s'enfoncent lourdement et goulûment et déforment les reflets ambrés de la lumière.
Sur la vitre humide, mes doigts dégagent les petites gouttes et les replacent par une traînée mate et légèrement graisseuse qui paraît grossière cernée par la complexité joyeuse et brillante des gouttelettes.
Sur l'écran de mon ordinateur, mes doigts génèrent de magnifiques arc-en-ciels irisés concentriques qui apparaissent avec un léger retard.
Sur la fourrure douce et artificillement parfaite des peluches, mes doigts dessinent des vallons de hautes herbes et un jeu d'ombres fugace et subtil qui laisse deviner l'écrasement des poils.
Sur ta peau, mes doigts laissent une trace inexistante, ni buée, ni trace, ni rien qu'un influx électrique au coeur de la chair, rien qu'une sensation, rien qu'un désir, rien qu'une impression, rien qu'une suggestion, rien qu'une idée, rien qu'une pensée fugace, rien qu'une pensée oubliée, rien qu'une frustration, rien que moi.
Moi, ce n'est vraiment pas grand chose.
Moi, ce n'est qu'une petite, une toute petite déception.
Après tout, il y a bien un petit doigt, et lui aussi ne sert à rien.