12 juin 2005

Par moments, je vois ce monde de loin.
Peut-être que mon regard recule, il se place derrière mes yeux, puis derrière mon cerveau, ma tête, et part, loin, là où tout paraît extrèmement petit, là rien n'est grave, rien n'est trop important.
Dans ces moments, rien ne me touche, rien ne dure, tout n'est que brève et inutile agitation de fourmis insignifiantes.
Il y a quelque chose de beau dans ces mouvements de minuscules insectes ; enfant je passais parfois des heures à détailler les fourmilières à la façon d'un ancien Dieu bienveillant. Je me disais que si un sinistre arrivait à la fourmilière, là, sous mes yeux, je sauverai alors les pauvres animaux comme une divinité surgie de nulle part. Et puis lorsque j'étais lassé, je partais regarder ailleurs, laissant mes anciens disciples à leur triste sort. Peut-être est-ce ainsi que le vrai Dieu agit lui aussi.
L'autre jour, j'ai observé un couple de cette façon ; je les ai regardés de loin, détaché. Curieusement, malgré tout ce que j'aurais dû éprouver, malgré le fait qu'elle est la fille que j'aime, qu'il est celui qu'elle aime, je les ai trouvé beaux, là, tous les deux, à sourire, à bouger ensemble, à échanger de fugaces regards, oui, j'ai trouvé qu'ils formaient un bel ensemble de vie. Je me suis senti si loin d'eux, si étranger, je n'avais vraiment pas le droit de prétendre toucher à ça, changer ça, avoir la moindre influence sur ça. Je peux simplement les regarder.
S'il leur arrive une catastrophe, est-ce que je serai le Dieu bienveillant qui les sauvera d'une pichenette ?
Si j'en avais le pouvoir, je crois que je le serais.

5 juin 2005

Ce soir, j'ai envie de crier.
J'ai envie de hurler, là, maintenant, envie de pousser un cri si strident et atroce que tout le monde sur Terre m'entendra.
Ce soir, j'ai envie de tuer.
Envie d'assassiner sauvagement l'être que je déteste le plus au monde : moi.
Y'a des soirs comme ça.
Ce qui m'a mis dans cet état ?
Rien de bien spécial, toujours la même chose : je ne lui plais pas.
Je crois que j'en suis arrivé à personnifier vraiment cette partie de moi qui ne lui plait pas, je l'imagine à présent comme un cancer, un parasite qui est lové au creux de mon corps ou de ma personnalité ; car enfin il y a bien quelque chose qui la rebute tant en moi, un élément que je pourrais cerner et différencier du reste de mon être. J'aimerai tant qu'elle me dise ce que c'est, que je puisse enfin isoler cette gangrène en moi, et l'arracher, l'extirper toute fumante de mon corps comme un organe pourri et la jeter aux corbeaux.
Que de temps perdu, que d'amour perdu, pour moi qui devient fou de solitude, pour elle qui perd son temps avec des mecs qui ne la rendront pas heureuse, tout ça à cause de ce parasite immonde.
Je veux le trouver.
Je veux l'étrangler de mes propres mains.
Il se donne mon nom et mon visage, mais, par pitié, croyez-moi : il n'est pas moi.