27 févr. 2008

Avons-nous le temps ?

Avons-nous le temps d'écouter les politiques ?
Hier j'entends : "la démocratie ne peut plus marcher, parce que dans notre société de médias, tout le monde parle dans tous les sens et tout le monde dit n'importe quoi, on ne peut se baser sur rien : tout le monde a la parole mais aucune parole n'a de valeur."
Que puis-je dire ?
Prenons un exemple simple...
Est-ce que j'aime Sarko ?
Est-ce que je n'aime pas Sarko parce qu'il est grossier et beauf ?
Je suis grossier et beauf.
Est-ce que je n'aime pas Sarko parce que je suis contre ses réformes ?
Je suis bien incapable de dire si ses réformes vont dans le bon sens ou pas. Je n'arrive même pas à dire si je vais y gagner quoi que ce soit.
Je ne suis même pas capable de dire si j'aime Sarko...
Je n'ai pas le temps d'écouter tout ce qui se dit. Je n'ai pas le temps de savoir, donc encore moins le temps de comprendre !

Et ces enfants qui iront à l'école, nos enfants ; eux aussi vivront dans ce flot de paroles en tous sens.
Que pouvons-nous faire pour les préserver ? Ne leur donner accès qu'à une part de l'information ? Ce serait alors la pire des censures...
Essayer de leur expliquer tout nous-mêmes ? Mais comment faire face à tout ce qu'ils entendront à l'école, dans la cour de récréation, et qui sera sûrement dit avec autant de conviction que la parole des parents ? Et comment pourrions-nous prétendre tout savoir et tout arbitrer ?
Nous savons qu'ils ne sauront pas, qu'ils seront noyés, que même s'ils sont intelligents ils seront trompés.
Nous savons que c'est une bataille perdue d'avance, et nous la livrerons quand même.

Et lorsqu'on tente, rarement, de se poser, d'écouter un débat lentement, calmement, en écoutant chaque mot, ou de lire un article en faisant tout pour le comprendre, quelle frustration...
A chaque intervention, l'envie de hurler son désaccord, de dénoncer la mauvaise foi, les sophismes, les arguments idiots, les procès d'intention...
A chaque article, l'envie de vomir son indignation, de déchirer les chiffres assénés sans preuve ni référence, de brûler les fausses évidences jetées en pâture...
Nos voisins ont écouté MO Fogiel ou PPDA. Ils ont lu Marianne et Le Point. Ils regardent Capital comme une vitrine de notre société et pensent que Karl Zéro est un journaliste. Ils écoutent Le Pen et Olivier Besancenot. Bref, ils vivent dans notre médiasphère.
Ils ont ingurgité tout ceci, sans notre connaissance ni notre recul, et qu'ont-ils bien pu en tirer ?

Et, soudain, réaliser qu'on n'a ni ce recul ni cette connaissance nous-mêmes.
Réaliser que nous aussi, nous nous sommes laissé duper.
Que dans tout ce qui a fait nos opinions et nos convictions se terrent des dizaines de contre-vérités.
Que malgré toute notre bonne foi et notre prétendue rationnalité, nous sommes idiots et ignorants !
Et cette pensée là m'étouffe, elle me dégoûte de moi-même, j'ai envie de me débarraser de mon corps, non c'est encore pire que cela, j'ai envie de me débarrasser de mon esprit !
Car mon esprit est probablement encore plus corrompu que mon corps.

Dans cette vie d'homme moderne, on rajoute chaque jour de nouvelles choses à savoir, de nouvelles choses à faire, mais jamais on ne rajoute de temps. Nous continuons à avoir 24 heures dans une journée.
La vie n'est qu'une course contre le temps. Une course que l'on perd.
Nous hissons la connaissance et l'intelligence au sommet de toutes les vertues, alors que nous nous rendons les uns les autres complétement ignorants et idiots.

Mieux vaut ne pas y penser, sinon on y perdrait trop de temps !